BLOCAGE A LA CONSTRUCTION DES TERRAINS HORS PLAN D’ URBANISME – LES DÉCISIONS DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ÉTAT ET LA SITUATION ACTUELLE

mai 4, 2025

Depuis environ deux ans, un « blocage » a été provoqué sur la construction de terrains non urbanisés.

A. COMMENT LE « BLOCAGE » A-T-IL ÉTÉ PROVOQUÉ ?

Au départ, la décision n° 176/2023 de l’assemblée plénière du Conseil d’État (ci-après « CE ») a jugé que la construction sur un terrain non urbanisé exigeait, outre une superficie minimale, une façade sur un espace public (rue) légalement existant, ne résultant pas d’une volonté privée. Cette décision a été suivie de deux autres décisions, à savoir la décision n° 992/2023 de l’assemblée plénière du CE et la décision n° 1206/2023 de la cinquième chambre du CE.

La position exprimée dans ces décisions n’introduit rien de nouveau. Au contraire, elle réitère la position constante du Conseil d’État, selon laquelle la présence d’une façade sur une voie publique est une condition préalable à la construction dans des zones non urbanisées, indépendamment de la date de création des terrains. Cette condition est clairement énoncée dans la législation en vigueur, à savoir :

1. Conformément à l’article 1 du décret présidentiel n° 24/31. 5.1985 PD intitulé « Modification des conditions et restrictions de construction des terrains situés en dehors des plans d’urbanisme des villes et en dehors des limites des agglomérations légalement existantes avant 1923 » (JO D’ 270/1985).

« Les conditions et restrictions de construction des terrains situés en dehors des plans d’urbanisme des villes […] sont modifiées comme suit : 1.a) Superficie minimale du terrain 4 000 m2 b) Pour les terrains donnant sur des routes internationales, nationales, provinciales, municipales et communales, ainsi que sur leurs parties abandonnées et sur des voies ferrées, les conditions suivantes sont requises :

– Façade minimale de 45 m

– Profondeur minimale de 50 m.

– Superficie minimale de 4 000 m2 ».

2. Conformément à la loi n° 3212/2003, le point a) du paragraphe 1 de l’article ci-dessus est modifié comme suit :

« 1.a) Superficie minimale du terrain : 4 000 mètres carrés et façade sur une voie publique de vingt-cinq (25) mètres ».

En outre, l’article 23, paragraphe 3 de la même loi, précise que « le cas a) du paragraphe 1 de l’article 1 du décret présidentiel du 24/31.5.1985, tel que remplacé par le paragraphe 1 de l’article 10 de la présente loi, ne s’applique pas aux terrains existant à la date d’entrée en vigueur de la présente loi ».

Cette dernière disposition a également servi de base, pendant une longue période, à la délivrance de permis de construire par les autorités compétentes en matière d’urbanisme, en partant du principe que l’existence d’une façade sur une voie publique ne constituait pas une condition préalable à la construction de terrains existant avant 2003.

Toutefois, dès 2016, le Conseil d’État a jugé que la condition relative à la façade sur une voie publique s’applique également aux terrains aménagés avant 2003[1].

L’argumentation générale de la Cour administrative suprême accorde une importance particulière au fait que la présence d’une façade sur une voie « publique » (en fait) ne suffit pas, mais qu’il est nécessaire que la voie soit reconnue comme publique par décret présidentiel. En effet, le Conseil d’État estime que la publication d’un acte administratif visant à reconnaître une voie publique relève de la compétence en matière d’urbanisme, qui n’a pas de caractère local, et doit donc être effectuée par décret présidentiel. Malheureusement, sur cette question également, l’État se montre particulièrement lent, puisque très peu de routes situées dans les zones non urbanisées du territoire ont déjà été classées comme réseau routier public par décret présidentiel. Cette situation limite considérablement la constructibilité des terrains non cadastrés et place les propriétaires de ces terrains dans une situation d’insécurité permanente.

B. COMMENT FAIRE FACE AU « BLOCAGE » ?

Comme on pouvait s’y attendre, cette situation a suscité de nombreuses réactions et a été largement médiatisée. L’État a pris des mesures pour remédier au problème en lançant la publication d’un décret présidentiel qui portera sur la ratification du réseau routier du pays ainsi que sur la reconnaissance des routes municipales, qui aurait dû être achevée depuis longtemps. Pour ce faire, il faut toutefois élaborer des plans d’urbanisme locaux (TPD) et des plans d’urbanisme spéciaux (EPS), qui devront être achevés d’ici la fin 2025, afin que les décrets présidentiels correspondants puissent être publiés et soumis à l’approbation du Conseil d’État. Il est donc presque certain qu’avant le printemps 2026, le « blocage » de la construction de terrains non conformes au plan d’urbanisme ne sera pas levé, du moins de cette manière.

Consciente de ce retard et de ses conséquences négatives, l’État a tenté dès janvier 2024 de légiférer sur une disposition transitoire temporaire afin d’autoriser, sous certaines conditions, la construction sur des terrains non prévus par les plans d’urbanisme avant la ratification du réseau routier national. Cette tentative a toutefois échoué, car elle se heurtait aux exigences strictes du Conseil d’État. En conséquence, dans les conditions actuelles, la levée du « blocage » de la construction sur les terrains non urbanisés est prévue pour le printemps 2026. D’ici là, la construction sur des terrains non urbanisés et toutes les opérations y afférentes sont suspendues et soumises à une insécurité juridique.

[1] Conseil d’État 847/2016

Maître Thomas K. Karachristos